France
Au petit matin, dans le village de Locmélar, à l'entrée des Monts d'Arrée dans le Finistère, une maison aux volets bleus s'étire et se réveille. Ça s'agite à l'intérieur, ça rigole et ça bosse. S'échappent des bonnes odeurs de pain grillé et de café… Bienvenue au Mélar Dit - un bistrot et pas que.
Cette aventure collective, montée en entreprise coopérative (SCIC) et portée par Margot et Florian, a pour volonté de créer un café-épicerie, un lieu de spectacles et d'ateliers, un endroit de rencontres et de services. En juin 2019, il ouvrira ses portes et l'on pourra ainsi y boire un verre, acheter du pain, écouter un concert, apprendre l'accordéon, enseigner la couture, se reposer, lire, ou encore retrouver des amis et amies...
Un article repris du magazine Colibris, sous licence CC by sa
Notre bistrot.
Dans nos têtes, le lieu que nous allions découvrir serait parfait. Situé sur une place de village, il posséderait une jolie terrasse ensoleillée. Le bâtiment serait une maison ancienne que nous aménagerions à notre goût. Lumineuse, modulable, et avec un poêle pour les jours de grand froid. Son prix d'achat ou de location serait raisonnable. Située dans un bel environnement, la commune quant à elle serait de petite taille, avec une école, et une mairie en faveur d'un tel projet.
Bien entendu, le lieu parfait n'existe pas. Mais à bien chercher…
Originaires de Nantes et ses environs, nous avons d'abord été attirés par des régions éloignées de la nôtre. La Drôme, le Pays Basque, Le Tarn, le Limousin, nous recherchions le dépaysement, et ne voulions fermer aucune porte afin de trouver la perle rare. Après six mois de recherches, nous avons finalement porté notre regard sur la Bretagne. Je me sentais proche de cette région, pas particulièrement breton, mais sensible à la culture bretonne, et à ses paysages. Et puis au cours de nos recherches un nouveau sentiment avait pointé le bout de son nez. Nous avions envie de monter ce bistrot pas trop loin de nos amis et familles, afin qu'ils puissent venir nous voir, nous soutenir et partager avec nous cette aventure à venir.
Les Monts d'Arrée, les montagnes bretonnes du Finistère
Nous sommes en janvier 2017. Nous lançons des « bouteilles à mer », des messages adressés à des cafés amis bretons, à des associations et institutions : « Avez-vous entendu parler de quelque chose à vendre, ou de quelque chose à faire dans une commune ouverte à notre projet ? ». Une réponse nous parvient. Anne Robic travaille au Pôle de l'Économie Social et Solidaire en pays de Morlaix, l'Adess. Elle connaît une petite commune dynamique, située à l'entrée des Monts d'Arrée. Son nom ? Locmélar. « Loc-mé-lar », Margot m'épelle le nom de la commune. Nous regardons où cela se trouve, et contactons la mairie. Celle-ci accepte de nous recevoir. Nous apprenons qu'elle vient d'acquérir l'ancienne maison paroissiale située sur la place du village, et qu'elle cherche à en faire quelque chose.
La rencontre, le coup de cœur.
C'est ainsi que, par une journée ensoleillée, comme souvent en Bretagne, nous arrivons sur la Place St Mélar de Locmélar. Ce qui nous attire au premier coup d'œil, c'est cette petite église bretonne, un bel Enclos paroissial comme il en existe ici. Et puis il y a ces marronniers qui trônent au milieu de la place, entourés d'un calvaire. On cherche la maison du regard et on la trouve. Elle nous fait plutôt bonne impression. Elle n'est pas belle, un crépi béton cache ses vieilles pierres. Mais dans cet environnement, elle nous plaît.
La Place St Mélar à Locmélar, avec son église et le futur bistrot situé entre deux marronniers
Pierre-Yves Moal, le maire de cette commune de 500 habitants nous accueille en mairie, accompagné de Joël et de Marie-Françoise, élus également. Margot et moi présentons notre projet de « bistrot et pas que ». A leur tour ils nous parlent de la volonté de la mairie et des habitants de voir naître de nouveau un lieu pour se retrouver, ainsi qu'un commerce pour rendre des services. Je sens que nous parlons le même langage. Ce qui me frappe, c'est la confiance qu'ils nous accordent. Ils ne nous demandent aucun CV. Ils ne nous regardent ni comme des étrangers, ni comme des fous. C'est simple, convivial, et sérieux à la fois.
A la fin de notre discussion, nous sommes invités à découvrir la maison paroissiale. Nous rentrons pour la première fois dans ce qui deviendra notre futur bistrot. La maison est du début du siècle, la tapisserie années 60 - 70. La paroisse n'a pas encore entièrement vidé la maison. Ils restent des crucifix aux murs et des bibles sur le rebord de la cheminée. L'état de la maison reste bon, et on se prend à imaginer ensemble les aménagements futurs. « Ici le comptoir, là bas la cuisine, et là une grande salle d'activités si on fait tomber les cloisons ! ». Bien qu'elle ait acquise cette maison il y a un an déjà, la réflexion de la mairie sur ce projet en est à ses débuts. Ce qui est sûr, c'est qu'ils souhaitent rester propriétaires des murs, et sont prêts à financer des travaux de rénovation en vue de louer à des porteurs de projet. La visite se termine. En sortant dehors, j'imagine la terrasse, les gens, les tables et les chaises. Nous proposons de revenir dans trois jours, afin de revoir tranquillement le lieu et prendre des mesures. C'est d'accord, on se quitte là. C'était notre première fois à Locmélar.
Une mairie, une agence d'architecte et nous : un trio original.
En faisant le point le soir même tous les deux, nous avons un bon ressenti. Tout est à construire, on ne sait pas trop où on va, mais on se dit que cette opportunité est à creuser. De retour à Nantes, nous poursuivons ainsi les échanges par mail avec les élus de Locmélar, et revenons ensuite plusieurs fois sur les lieux.
La mairie de Locmélar représentait d'un côté le point fort de ce projet, mais aussi la source de certaines de nos inquiétudes. Que se passerait-il si l'équipe municipale changeait ? La temporalité de la collectivité était-elle compatible avec la nôtre ? Nous avons alors pris le temps d'en discuter ensemble, de poser le cadre, un calendrier, et le rôle de chacun. La mairie resterait propriétaire des murs, et chargée de la rénovation, quant à Margot et moi, nous serions propriétaires du fond de commerce, en charge donc de mettre en place et de gérer le futur bistrot. La location des murs serait officialisée à travers la signature d'un bail commercial 3-6-9. Ces échanges se firent avec beaucoup d'écoute et de compréhension, instaurant ainsi une vraie relation de confiance, et nous motivant un peu plus à nous engager.
Au même moment, un troisième acteur entrait en scène. Nous réalisons avec la mairie que la mise aux normes du bâtiment va nécessiter l'intervention d'un architecte, car nous sommes ici dans le cas d'un ERP (Établissement Recevant du Public). Cela nous questionne également. Quel type de rénovations va préconiser l'architecte ? Quel visage aura cette maison ? Allons-nous devoir rentrer dans toutes les normes existantes ? Un des élus propose alors de solliciter un architecte qui est aussi un enfant de la commune : Mikael Kerouanton et l'agence Arko Architecte à Landerneau, spécialisée dans les projets d'éco-construction. Quelle rencontre ! Mikael, nous séduit tout de suite. Accessible, pertinent, il est surtout aussi emballé que nous par ce projet. Les rénovations qu'il propose sont intéressantes. Il nous parle de bois et d'enduits à la chaux. D'un coup des espaces étriqués s'ouvrent, de nouveaux apparaissent. Des ouvertures se dessinent et de la lumière entre. Nous étions inquiets, et nous ressortons enthousiastes de nos échanges sur site.
Ainsi commence le début d'une coopération originale, entre la mairie de Locmélar, l'architecte Mikael Kerouanton accompagné de ses collègues Julie et Olivier, et nous. Ce trio va constituer le noyau dur de ce projet dans ses débuts. Il va poser ses bases solides, avant de s'ouvrir à d'autres.
En septembre 2017, c'est le grand saut. Nous prenons la décision de venir nous installer à Locmélar !
Florian